top of page

Hélène Sorbé

Démarches poïétique et picturalité 

 

 

Réfléchir sur la question complexe des « bases conceptuelles de la recherche en peinture » m’a amenée à élire le concept de « picturalité » pour structurer un propos qui puisse s’appliquer à la pratique de la peinture des cinq dernières décennies. Ce choix suppose une mise en perspective historique afin de mieux appréhender la nature des picturalités actuelles aux niveaux plastique, iconique et sémantique. Pictural et picturalité ont à voir avec le faire et l’effet, le geste et la trace, mais aussi avec des questions de « motif » en tant que sujet de peinture et de rapport au monde.

 

 

La mortalité de la peinture ?

 

Régulièrement, depuis près de deux siècles, la peinture se voit frappée du syndrome de l’obsolescence. On estime qu’elle n’est pas capable de se renouveler ou de rivaliser avec les nouveaux moyens de production d’image ou mode d’expression. En effet, un discours récurrent, émanant de la critique d’art ou de praticiens pessimistes, consiste  à clamer haut et fort : « la peinture est morte ».

 

L’avènement d’une société du progrès n’y est pas pour rien et c’est avec l’arrivée de la photographie et son apologie par le scientifique François Arago que va être colportée, janvier 1839, une première mort de la peinture. Si le peintre officiel du moment, Paul Delaroche, invité à l’Académie des Sciences, semble approuver le discours du scientifique, il n’en aurait pas moins déclaré, de retour à l’atelier : « La photographie est née, la peinture est morte ». De fait, quelques uns de ses meilleurs éléments se convertiront sans attendre à la photographie[1].

 

Qu’a répondu Delaroche interrogé par Arago quant aux mérites de l’image argentique ?

 

La correction des lignes, la précision des formes est aussi complète que possible dans les dessins de M. Daguerre, et l’on y reconnaît en même temps un modèle large, énergique et un ensemble aussi riche de ton que d’effet… Le peintre trouvera dans ce procédé un moyen prompt de faire des collections d’études qu’il ne pourrait obtenir qu’avec beau de temps, de peine et d’une manière moins bien parfaite et quel que fût d’ailleurs son talent.

 

En résumé, l’admirable découverte de M. Daguerre est un immense service rendu aux art.[2]

 

En 1931, c’est sous la plume d’Elie Faure[3] que s’annonce une autre « agonie de la peinture »[4]. L’historien de l’art note que si l’art français, dans son expression la plus aboutie avec l’Impressionnisme et Cézanne a fait de Paris le centre artistique du monde en attirant artistes et amateurs de tous pays, il en résulte une surabondance de cultures, d’expressions, d’objets, de modèles, de styles. Il lui semble qu’à la fraîcheur de l’art national s’est substituée la recherche du style pour le style. « Les peintres trop intelligents nous ont dégoûtés de la peinture »[5], ce qui le pousse à penser  que cette dernière vit ses dernières heures.

 

Années 1980, dans le texte du catalogue de l’exposition Baroques 81 dont elle est commissaire[6], la critique d’art Catherine Millet réagit aux rumeurs qui tiennent pour acquise une nouvelle mort de la peinture. Réunissant 33 artistes « représentatifs d’un renouveau incontestable de la peinture en Europe », elle écrit :

 

Il y a 60 ans, puis il y a 20 ans, puis il y a 10 ans, on annonça que la peinture était morte ; elle apparaît aujourd’hui plus exubérante, plus prolixe que jamais. En elle pourtant, quelque chose forcément a été atteint par le dadaïsme, le néo-dadaïsme, les divers assauts de l’art conceptuel, quelque chose est bien mort que ce qui la pratiquent aujourd’hui ne peuvent, consciemment ou inconsciemment, ignorer, si bien qu’ayant perdu les illusions positivistes des avant-gardes, ils n’en ont pas pour autant recouvré la croyance dont se nourrit l’art jusqu’à la fin du XIXe siècle.

 

Ces artistes, continue-t-elle, « même quand leur technique paraît relativement traditionnelle, ne sont ni des archaïsants ni des nostalgiques. Avec provocation, souvent avec effronterie, ils récupèrent […] et détournent la plupart des bouleversements formels et des attitudes engendrées par les avant-gardes ».

 

Quinze ans plus tard, interviewé pour le magazine Art Press, le peintre américain Eric Fischl rappelle qu’il a continué à être un peintre en une « époque où la peinture était soi-disant dépassée, et où la plupart des peintres pensaient que le seul art qu’il fut encore possible de faire était un art prouvant que la peinture était morte »[7]. Montrer de la peinture en France, comme il le fit à l’instigation du galeriste Daniel Templon[8], pouvait effectivement relever d’une gageure…

 

 

Le tournant iconique de la peinture

 

Catherine Millet pointe ici un phénomène : celui de la capacité de l’artiste à s’approprier voire à assimiler et digérer l’exogène par laquelle il se renouvelle sans pour autant faire table rase de la « manière[9] » qui le singularise. Proche de l’idée de digestion par le style, l’expression de « cannibalisme pictural[10] » utilisée par Marie-Laure Bernadac[11] met en exergue une pratique de Picasso dans les années 1950 qui va s’imposer, autour de 60-70, outre-Atlantique et en France. Il s’agit de la pratique de la citation des grands maîtres instruisant un dialogue de peinture à peinture : une manière de juger sa propre peinture et de « voir si elle tient »[12]. Largement stimulée par la circulation toujours plus dense des images (dont les reproductions d’œuvres en quadrichromie, cette tendance séduit l’Américain Roy Lichtentein. Au même moment clichés ou chromos provenant des médias, photographies prises à dessein ou par d’autres, infiltrent via le pinceau l’espace de la toile. Chromos low culture, événementiels en noir et blanc sont requalifiés ou magnifié par la touche ou les aplats de couleurs vives ou criardes des peintres Pop ou de la Nouvelle figuration française[13], en des formats démesurés pour les premiers.

 

Pour le peintre français Bernard Rancillac,

 

Il est banal de dire que nous vivons de plus en plus au deuxième degré, par images interposées : le touriste qui ne regarde rien mais photographie tout, c’est à son retour qu’il voit ce qu’il n’a pas vu (...). Voyons-nous autrement que par leur photo notre ville, notre maison, notre femme, nous-même à la limite ?[14].

 

Ce constat stigmatise bien le climat du « tout-image » qui entoure 1970 et en laisse présager l’omniprésence exponentielle dans tous les domaines. L’œil de l’art ne saurait se couper des images, lui par qui elles ont commencé à coloniser le monde. Il les boit, les rejette ou les stocke dans son imagier intérieur, commerce avec elles.

 

Passé l’aplatitude[15] des toiles pop et nouvelle figuration, qu’inspire ce paysage d’images aux générations de peintres à venir, dont certains on été formés par des peintres retenus pour Baroques 81[16] ?

 

La peinture occidentale a notablement changé de paradigme quant à se faire l’écho du monde qui nous entoure, ce n’est plus lui qu’elle interprète mais son image : des représentations de représentations. Peindre une image plate n’est pas peindre un corps plein baignant dans l’espace et la lumière. C’est un dialogue qui s’installe entre deux platitudes, un dialogue de plan à plan. Qu’en est-il au niveau du « peindre » ?

 

 

Une France hostile à sa peinture

 

Le tournant du XXe au XXIe siècle voit la peinture revenir sur la scène internationale, fort vivace et d’une picturalité tonique, comme si elle émergeait d’un bain de jouvence ou avait triomphé du raz-de-marée cumulé de la vidéo et de l’image numérique. Au cours des années 1980-1990, la peinture n’est pas morte, elle a juste été une « belle au bois dormant » pour ne pas dire une « belle » tombée en disgrâce auprès des circuits institutionnels et marchands de l’art et c’est une exception française. Les autres pays n’ont jamais ainsi renié ou boudé leur peinture.

 

Evoquant la décennie grise des années 80, alors qu’il préparait à Saint-Etienne une exposition consacrée à trois jeunes peintres (Marc Desgrandchamps, Vincent Corpet, Pierre Moignard), Fabrice Hergott se souvient que l’idée de cet accrochage lui était venue à la suite d’une conversation avec l’artiste allemand Markus Lüpertz. Ce dernier l’« avait convaincu que l’on pouvait être moderne en faisant de la peinture », chose qui lui paraissait inconcevable jusque là. « Cette révélation est aujourd’hui une plate évidence, mais au début des années 80, la scène française était agitée d’un débat où s’opposaient les tenants et les contradicteurs de l’actualité possible d’une pratique picturale. Il faudra un jour entrer dans le détail du terrorisme intellectuel de cette époque de cette guerre froide qui, comme tout terrorisme, produisait ses réponses exagérées et la perte de sens commun. »[17]

 

Un autre exemple de ce climat est donné par la galeriste Nathalie Obadia, qui montrait pour la première fois le travail de Carole Benzaken (1993) : « le succès est venu des acheteurs privés, mais l’institution boudait cette peinture joyeuse, taxée de « décorative »[18]. L’artiste quant à elle confiait le 5 janvier 2005 au magazine Télérama : « Si on n’était pas dans la norme, il fallait se justifier en élaborant un discours théorique »[19].

 

Certains critiques, à l’instar de Philippe Sterckx, à propos de Marc Desgrandchamps, exaltent la pertinence du choix de la peinture aujourd’hui : « … la peinture aujourd’hui n’est pas obsolète. Elle seule est la force diagrammatique capable de cartographier les strates de quarante mille ans d’art. Il y a quelque chose de carbonifère dans la peinture de Desgrandchamps, une activation sensuelle de fossiles redevenant solaires »[20].

 

Si, de s’être frottée à la plasticité des images imprimées, de la vidéo et du numérique, la peinture est revenue sur scène avec une nouvelle allure, la photographie plasticienne (D. Baqué) avec l’argentique puis le numérique revendique une filiation picturale. On parle aujourd’hui de la « forme-tableau » ou du tableau photographique. Aujourd’hui, on peut peindre avec tout, avec la lumière, le tube cathodique comme le pixel, etc. Il faut donc détacher la picturalité de son fondement matériel premier, soit la peinture en tant que matière colorée, plus ou moins transparente, fluide, épaisse, transparence, mate ou brillante.

 

 

« Pictural », un mot nouveau

 

Revenons aux années 1980 qui voient émerger de jeunes praticiens Avec le raz-de-marée de l’image numérique amorcé à la fin des années 1980, c’est au tour de la photographie argentique d’être promise à une mort imminente. Or pour cette dernière, comme pour la peinture, l’histoire a montré qu’elles avaient toutes deux fort bien surmonté la concurrence par assimilation réciproque et successive de leurs caractères spécifiques. La photographie primitive des années 1840 s’inspirait des réflexes de la peinture au niveau de la construction de l’image (composition) et de l’harmonie lumineuse. De son côté, autour de 1840-1870, la peinture pratiquée en plein air œuvre de plus en plus avec l’instant ; elle enregistre les pulsations lumineuses et chromatiques du visible, tout en cultivant des effets de hors champ, des contrastes tranchés, des vues plongeantes et autres angles de vue inédits. N’en déplaise à Baudelaire qui voyait en la photographie la cause de « l’appauvrissement du génie artistique français[21] », l’œil artiste est prédateur et c’est par le jeu des imprégnations visuelles réciproques – contamination fertile du regard – que les arts se régénèrent, œuvrent avec leur temps et le marquent. Par ailleurs, chaque peintre se distingue par sa touche, sa manière de déposer la couleur sur la toile, son geste. Ce dernier participe simultanément d’une  phénoménologie du visible et de la perception, au sens où l’entend le philosophe Merleau-Ponty, lorsqu’il cite ces mots de Paul Valéry : « le peintre apporte son corps ».

 

Si la notion de « pictural » s’impose sous la plume du peintre orientaliste Eugène Fromentin (1876)[22] et se repère plus tard chez l’écrivain Marcel Proust (1918)[23], nous devons sa première occurrence (1845) à Francis Wey[24]. A travers ses Remarques sur la langue française au XIXe siècle, cet archiviste paléographe signale que de nombreux idiomes sont apparus, « amenés par les révolutions qui ont agité les Etats[25] », et stigmatise les « soudaines invasions de la néologie ». La photographie est alors en vigueur depuis six ans (1839) et le Daguerréotype (invention française à épreuve unique) se voit supplanté par le Calotype (invention anglaise à tirage infini). Wey s’avère un commentateur de la photographie ; apprécié en son temps, il vient tout récemment de faire l’objet d’une réévaluation qui en fait l’apôtre de la critique picturale de la photographie. On voit en lui l'inventeur « d'un discours critique fondé sur le modèle pictural, dans sa structure et dans le choix de son vocabulaire [qui] révèle les liens étroits qu'entretenaient alors la peinture et la photographie. »[26]

Au regard de la peinture, l’introduction de ce mot correspond à l’émergence de la nouvelle manière de peindre que nous venons d’évoquer, rompant définitivement avec les conceptions néo-classiques privilégiant la ligne – ce que Wölfflin définira comme le style linéaire[27] – : une manière donnant la parole à la matière picturale, à son expressivité, décelable dans les traces de pinceau et les inflexions du geste. Toutefois, bien avant la lettre, le phénomène que recouvre le vocable « pictural » suscita chez le philosophe et critique d’art Diderot, face à La raie de Chardin, un texte (1767)[28] aussi pertinent qu’inoubliable, exprimant sa perception sensible de l’œuvre, telle un corps qui anime le regard du spectateur et réciproquement.

 

Nous avons signalé plus haut la nécessité d’un détachement, ici la distance optique entre l’œuvre peinte et ce que dégage sa surface, entre la matérialité de l’effet. Diderot ne serait-il pas le premier à avoir verbalisé ce phénomène propre à l’expérience visuelle de la peinture ? Pas n’importe laquelle, celle de Chardin, peintre d’une sublime Raie… Le premier à parler autrement de la peinture, à partir d’un regard prolongé et captif – son regard-organe – bouleversé, chatouillé, ballotté dans les remous rosés et opalescents d’un losange éventré, une houle de touches audacieusement balancées… A écrire cela, une autre chair bouscule la pensée, celle du Bœuf écorché de Rembrandt pour laquelle Wölfflin, convoquera en 1915 le terme de « picturalité » dans ses Principes fondamentaux de l’histoire de l’art.

Il faudrait donc remonter le temps, observer la distance de l’histoire, pour évaluer le chemin parcouru jusqu’à aujourd’hui par la picturalité.

 

 

La picturalité, avant et après la lettre : « … ce rien indescriptible »

 

Lisons Diderot, Salon de 1767, à propos de Chardin :

 

On dit de celui-ci qu’il a une technique qui lui est propre, et qu’il se sert autant de son pouce que de son pinceau. Je ne sais ce qui en est ; ses compositions appellent indistinctement l’ignorant et le connaisseur. C’est une vigueur de couleur incroyable, une harmonie générale, un effet piquant et vrai, de belles masse, une magie à faire désespérer, un ragoût dans l’assortiment et l’ordonnance. Eloignez-vous, approchez-vous, même illusion, point de confusion, point de symétrie non plus, point de papillotage, l’œil est toujours recréé parce qu’il y a calme et repos. On s’arrête devant un Chardin comme d’instinct, comme un voyageur fatigué de sa route va s’asseoir, sans presque s’en apercevoir, dans l’endroit qui lui offre un siège de verdure, du silence, des eaux, de l’ombre et du frais ». Et encore : « Ô Chardin ! Ce n’est pas du blanc, du rouge, du noir, que tu broies sur ta palette : c’est la substance même des objets, c’est l’air, c’est la lumière que tu prends à la pointe de ton pinceau. 

 

Au siècle suivant, c’est encore à propos de Rembrandt qu’un artiste au regard avisé utilise l’adjectif « pictural » (1876). Il s’agit du peintre orientaliste Eugène Fromentin, faisant part des impressions que lui a laissé l’art hollandais apprécié in situ : « La France a montré beaucoup de génie inventif, peu de facultés vraiment picturales. La Hollande n’a rien imaginé, elle a miraculeusement bien peint. »[29] Les frères Goncourt, quant à eux en font une donnée relative à la perception de l’homme : « L’être qui n’est pas né pictural ne sentira ce rien indescriptible qui fait la valeur d’une peinture… »[30]. Indescriptible, c’est-à-dire qui ne relèverait pas de la narration, mais du pur visuel.

Fin XIXe, nous le rencontrons sous la plume du graveur Rivière évoquant un tableau qui l’avait « beaucoup ému (…) c’était vraiment beau et vraiment uniquement pictural ».

Cela dit, dès ces premières occurrences, il s’étend aussi à d’autres objets que ceux produits par le peintre. Ainsi Marcel Proust, dans les Jeunes filles en fleurs[31] lorsqu’il mentionne « La chambre purement esthétique des soirs picturaux », fait-il part d’une expérience esthétique. Il est potentiellement applicable sous certaines conditions et circonstances.

Quant au dictionnaire de l’Académie française, il attendra 1935 pour intégrer « pictural » dont le sens est « qui est propre à la peinture ».

 

Pourquoi convoquer, aujourd’hui, ce concept ? De jeunes artistes européens orchestrent, à travers leurs images peintes, une dialectique éminemment personnelle entre le faire et la figure  – le plastique et l’iconique ou encore le signifiant et le signifié[32]. Cette dialectique met en tension le fait et l’effet comme si le premier était détaché de l’autre et vice versa. Quand deux éléments qui devraient s’emboîter ne coïncident pas, on dit qu’il y a du jeu. C’est justement dans ce jeu, cet écart, que s’affirme l’originalité du style de chacun. Une pensée plastique est à l’œuvre qui passe par le faire. Ce sont leurs picturalités que nous souhaitons étudier, via leur analyse poïétique d’une part et notre propre pratique picturale d’autre part.

 

 

Nouvelles picturalités

Images peintes, chacun sa manière

 

Lorsque qu’au monde se substitue l’image du monde, que se passe-t-il ? Est-ce que la peinture de l’image du monde est la même chose que la peinture du monde ? Non, les pop’artistes américains l’ont montré, suivis différemment par les deux générations suivantes.

Cette partie adopte l’esprit d’un musée imaginaire sélectif associant grosso modo trois générations d’artistes : la première est celle des pionniers (pop’artistes), la deuxième est intermédiaire avec des personnalités comme les Américains Salle, Fischl, Morley ou l’Allemand Richter, la troisième est celle qui a émergé autour de 1980-90, en particulier des peintres français comme Benzaken, Perramant, Desgrandchamps.

Nous examinerons leur pratique sous l’angle de leur rapport à l’image, puis sous celui de la manière picturale que chacun a développé. Nous utiliserons pour ce faire leurs propres mots pour parler de leur arts. Des reproductions de leurs œuvres permettront de confronter le dire et le faire.

 

Les initiateurs américains de cet art de peindre les images partent d’étiquettes alimentaires, vignettes de BD, photos de star ou de presses, drapeau, etc., et traitent avec éclat de cette prolifération de « visuels » d’une société capitaliste et de ses logiques économiques de consommation. Cette médiation iconique donne lieu à un second degré pictural, soit à une représentation de représentation, chaque pop’artiste met au point son langage plastique pour exprimer cette distanciation. Jasper Johns opte pour la technique à la cire avec un effet de matière sophistiqué (Flags), Lichtenstein pour le cerne, l’aplat et la trame tirés de la BD, Rosenquist pour une facture large redevable de son expérience publicitaire, Warhol pour une double médiation avec la sérigraphie. Les œuvres ne reproduisent pas la réalité, ni son image, mais exprime ce qui constitue l’écart entre les deux. La picturalité pourrait se définir ici comme la manifestation par les moyens de la peinture (couleur, tonalité, lumière, manière de peindre) de cette distanciation. Cela pourrait rappeler Monet devant les Meules disant peindre l’enveloppe, c’est-à-dire le volume d’air et de lumière le séparant de ces dernières, donner substance à ce qui est impalpable ou, pourquoi pas, à des images de peu.

De telles peintures proposent un traitement de surface, une surenchère de la planéité littérale[33] de la toile qui prend le pas sur l’intérêt de l’image.

La picturalité de la génération actuelle n’est plus celle de la pop génération, parfois gagnée à la cause du Mec’Art, du rejet de la subjectivité du faire et du geste en réaction au pathos de l’expressionnisme abstrait et de sa « furia romantique ». Ils ont toutefois en commun de recourir à aux images de grande vulgarisation qui tapissent toujours plus notre quotidien. La manière – la patte – de ces néo-peintres est plus subtile, intrigante, poétique, loin de la surenchère et de l’efficacité visuelles du Pop’Art. On peut plutôt parler de raffinement.

 

 

De la disponibilité des images :

 

Le sentiment de distanciation voire d’indifférence vis-à-vis des sources iconiques que nous ressentons, rencontre un écho dans la parole même des artistes ou dans les écrits qui leur sont consacrés. La disponibilité des images suppose par ailleurs un regard disponible, elle peut être relative à certaines circonstances, à l’histoire personnelle des artistes.

 

Ainsi Roy Lichtenstein déclare-t-il : « En général, je ne cherche pas mes sources, elles sont immédiatement apparentes. Dès que je vois une petite illustration, je sais comment je vais l’utiliser ou la lire. »[34]

 

Le New-yorkais Malcolm Morley quant à lui privilégie dans les années 60 les images qui ont à voir avec le voyage et interprète dans un style proto-photo-réaliste des bateaux de croisière et de luxueux paquebots. Ce sont des reproductions très nettes, tirées de brochures touristiques, de cartes postales et de calendriers. La distanciation chez lui passe par la mise au carreau[35] qui permet une transcription fidèle, il quadrille donc la toile et l’image de façon de façon homothétique. « Par l’utilisation de lavis acryliques et de touches à peine visibles, il transfère soigneusement, carré par carré, l’image sur la toile. Cette approche froidement logique sape le romantisme des images qu’il a choisies »[36].

 

« Quand j’étais adolescent, confie Gerhard Richter en 1964, je faisais beaucoup de photos ; je m’étais lié d’amitié avec un photographe qui m’a montré tous les trucs. Pendant quelques temps, j’ai travaillé dans un laboratoire : ces masses de photos qui passaient tous les jours par le bain de révélateur ont sans doute provoqué sur moi une empreinte durable »[37]

[…] « Un jour, une photo de Brigitte Bardot m’est tombée entre les mains et je me suis mis à la copier en gris sur un de mes tableaux »[38]. A moment-là, l’artiste venait d’intégrer l’atelier de peinture de l’école d’art de Düsseldorf et ressentait des difficultés à trouver voie personnelle : « j’étais désemparé, presque désespéré », « j’en avais marre de cette foutue peinture, et reproduire une photo me semblait être la chose la plus bête qui soit et la plus anti-artistique que l’on puisse faire »[39]. Une BB de papier se serait muée, par voie d’imprimerie impressive en ange médiateur et médiatique de l’éclosion du peintre. Mise à part cette charmante anecdote, comment s’opère chez lui la sélection ?

« En ce qui concerne la sélection des photos, le problème de la composition est sans importance, son rôle est, au plus, négatif. La fascination exercée par un cliché ne provient pas de l’originalité de sa composition mais de ce qu’il exprime, de son contenu narratif »[40].

« Aucun thème n’a ma préférence » décrète-t-il encore[41]. Il n’y a pas de hiérarchie dans les genres iconographiques, nous les retrouvons tous dans sa peinture, étonnamment fidèles à ceux de la tradition picturale : nature morte (bouquets), vanité, portrait, scène de genre, paysage, etc. « Je préfère les photos naïves, composées simplement, sans complication »[42] […] je suis séduit par l’idée de m’emparer de la sorte [par la reproduction à la peinture] de toutes les photos qui me tombent sous la main » […] De plus on est libre de peindre ce qui fait plaisir »[43].

 

L’artiste française Carole Benzaken[44] revendique dès l’enfance – ses parents sont enseignants – la manie d’engranger des images de tous ordres : des publicités, des photos de famille, cartes postales d’animaux, publicités de pizzas, catalogues de fleuristes, prospectus, etc. Dans Paris-Match, elle découpe des images de la conquête spatiale ou de l’Irak. Elle s’est faite connaître avec des toiles reproduisant des fleurs tirées de catalogues d’horticulture, plus tard par l’interprétation picturale des funérailles télévisées de Lady DI (1997). Elle s’inspire en général d’images choisies, souvent de taille modeste et les peint sur des toiles de grand format. « L’image préalable peut être  […] un bout de papier trouvé dans la rue qui sera un fragment de dessin que je vais peut-être reporter comme image, recopier comme image »[45]. Elle s’empare parfois des « stéréotypes les plus publics », signale Philippe Dagen[46], commentateur de son travail. Selon lui, Benzaken est de ces artistes « qui ne cessent de poser des questions gênantes : que voyons-nous vraiment, comment l’œil et la mémoire réagissent-ils au flux des images ? Sommes-nous leurs dupes ? ».

Par la suite elle s’est intéressée à des stéréotypes plus pernicieux que ceux de la presse people lors de son long séjour à Los Angeles : l’exotisme, l’Afrique, la condition noire. Ce sujet a ressurgi fortuitement en ramassant sur le trottoir des affichettes publicitaires vantant la cuisine créole, les plages et la volupté tropicales, les palmiers. Elles avaient été abimées par la pluie et le piétinement des passants, c’est ce qu’elle s’est appliquée à transcrire sur la toile tout autant que les images dont elles se faisaient l’écho. Il est résulté un fort effet de tension visuelle entre le rendu de la misère matérielle des supports précaires qui vendent des morceaux de paradis artificiels et leurs couleurs vives, toniques et séductrices… c’est dans cette « distorsion » que réside la portée sémantique de la peinture de C. Benzaken : entre le rôle et la condition matérielle de d’image. « L’essentiel, dit-elle, c’est le montage de ces images existantes, comment je les articule, et le lien qu’elles entretiennent avec mes images vidéo, avec mes films »[47]. Cette mixité se joue dans un dispositif de mise à plat et de juxtaposition : la vidéo se trouve encadrée au même titre que la peinture, dans une succession de fragments divers rassemblés en frise, présentant tout à la fois le scénario, le synopsis, le film en train de se faire, la peinture et le film réalisés. Ce fut le cas de l’ensemble qu’elle présenta au Centre Pompidou à l’occasion de la remise du Prix Marcel Duchamp en 2004. Elle « organise des frottements entre différentes réalités, l’intime, l’actualité, la publicité, l’art, l’anecdote, le dérisoire, le décoratif. »

 

Marc Desgrandchamps, quant à lui, saisit des « opportunités d’images ». Né en 1960, au pied du Mont-Blanc, il entreprend en 1977 des études d’art à Aix-en-Provence puis à Paris. Il apprend l’existence du film culte sur la photographie, Blow up – il le verra en 1981, voit en 1978 un tableau de Malcolm Morley, une destruction de paquebot des années 1970 et expose en 1985 à la maison de la Culture de Saint-Etienne, voilà pour le début de carrière.

« Dans les années 1980, explique-t-il, j’ai utilisé la peinture de Max Beckmann, Carrà et d’autres comme canevas pour réaliser mes tableaux ; j’étais sous influence et la meilleure façon de détruire une influence est de l’exacerber. De cet état, il demeure sans doute des traces aujourd’hui érodées comme des ruines. C’est en adéquation avec le constat que je fais de travailler avec les restes »[48].

S’il y a narration continue-t-il, « elle est de l’ordre du pictural et non du littéraire. De la même façon que la matière s’écoule, il peut transparaître une histoire ou de l’histoire… Le tableau n’est pas au service d’un récit. S’il en est un, il émane de la surface de la toile, là où il se tient de façon manifeste ou latente. L’intention qui m’amène à choisir telle photo est souvent déjà un récit ou une bribe de récit, pour élaborer tel tableau, cette intention peut être contredite par ce que met en œuvre le travail pictural. Ainsi ces peintures sont surdéterminées par diverses motivations et interventions, choses vécues ou non, après-midi au soleil ou cadavre entrevu dans le journal »[49].

Il puise dans deux sources d’inspiration : des photographies personnelles et des documents d’archives, souvent des coupures de presse. A partir de là s’amorce un ensemble de peintures, une combinaison de motifs d’origine diverse à la surface de la toile : « Par ce moyen, je ne cherche pas à créer une autre temporalité mais je suis sensible au fait qu’une passante dans la rue puisse avoir la même démarche qu’une pompéienne il y a 2000 ans. Evidemment je n’en sais rien mais je peux toujours en avoir l’intuition. C’est cette intuition qui m’incite à chercher l’immuable dans le fugitif, ce qui arrive, ce qui survient comme instant précaire saisi dans la durée. La photo m’aide beaucoup dans ce travail.

Je ne crains pas une approche trop personnelle, j’essaie seulement d’extraire le générique du particulier. »[50]

 

 

La transfiguration picturale de l’image

Gerhard Richter et la stratégie du flou

 

Ce qui fascine dans ses tableaux, c’est le paradoxe, la distorsion qu’il y a entre le traitement de surface extrêmement léché, le glaçage (des glacis superposés de la toile comme dans la pâtisserie) et la banalité ou la médiocrité des images servant de modèles. E. Fischl dit de Richter que « ses surfaces sont son sujet ». Que nous dit ce dernier ?

 

Avant, je me contentais tout simplement de reproduire les photos en peinture et recherchais le maximum de fidélité. Voilà pourquoi j’évitais les coups de pinceau et peignais de la manière la plus lisse possible. Les effets de surexposition ou de flou apparaissaient involontairement, et définissaient ensuite l’atmosphère de ces tableaux. Actuellement, je fais la démarche inverse si bien que le tableau est le fruit de la technique.[51]

 

C’est avec la série des Portes et des rideaux que sont venues des « images construites nées de l’expérience du flou. 

 

Comme Morley, quoique différemment, Richter recourt à la projection lumineuse sur toile pour reporter avec exactitude les traits de contour des éléments : il évite ainsi « le processus complexe de la connaissance. On cesse d’identifier, on voit, on fait (informellement) ce que l’on n’a pas identifié. Et comme on ne sait pas ce qu’on fait, on ignore ce qu’il faudrait modifier ou déformer ». « Je peins comme un appareil photo ». De telles phrases, s’il fallait en donner des preuves supplémentaires éclairent un volonté de maintenir une distance entre l’image et le métier pictural, comme s’il fallait éviter à tout prix éviter l’affect, l’empathie.

Est-ce à dire qu’il œuvre machinalement ? Cette dissociation du sensible et de l’intelligible,  de la conscience iconique et du fait plastique, et par ricochet de la pâte et de l’effet, nous avons tendance à penser qu’elle ramène à Diderot, formulant en regardant la La Raie de Chardin: « Eloignez-vous, approchez-vous […] Ce sont des couches épaisses de couleurs appliquées les unes sur les autres, et dont l’effet transpire en dessous […]. D’autres fois, on dirait que c’est une vapeur qu’on a soufflé sur la toile ; ailleurs une écume légère qu’on y a jetée ». Que « transpirent » les toiles de Richter si ce n’est « le photographique »[52] ? Cette épaisseur de gélatine organique dont est prisonnière l’image couleur, et qui fait écran ? Les glacis successifs les agents d’une mise à distance de l’effet photographique, tout en et qui fascinant le spectateur. Comme l’énonce G. Nabakowsky, la célébrité de son art repose sur la « capacité » de sa peinture « d’élever à un statut supérieur, dans un acte d’alchimie picturale, un médium en soi médiocre : les photographies de journaux et d’albums de famille. Cette mystérieuse transmutation ferait du banal une matière précieuse. Ainsi fonctionne son star system ».[53] Richter peindrait donc la pulpe du support photographique, dans une une facture lisse, dont la volupté étale (peinture à l’huile sur toile de lin) rappelle celle des glacis de Vermeer.

 

 

Benzaken, la stratégie de la mosaïque

 

La liberté pour moi se trouve dans le cadrage et dans la succession des cadrages, en mettant au même niveau les évènements du monde et les évènements de ma vie privée. Les références qui traversent mon travail sont complètement intégrées, digérées. » « Si une publicité me fait penser à Edward Hopper, et que je transforme cette publicité en une peinture qui peut faire penser  à Hopper, je ne vois pas pourquoi je me l’interdirais ! 

 

Voilà qui nous donne une piste concernant les affinités électives de l’artiste avec les peintres du passé. La réception critique de Hopper s’accorde généralement sur son sens de la lumière, ou plutôt de l’éclairage dont le traitement taille et juxtapose des ombres dures et des pans réverbérant le soleil du matin ou de fin d’après midi d’été. Sa facture, enlevée et visible, reste sommaire et efficace : c’est parce qu’elle est ainsi que l’effet, l’atmosphère ou encore l’ambiance ont toute leur force de frappe sur notre regard et notre imaginaire. Car se dégage de cette manière-là un sentiment métaphysique que renforcent par ailleurs les effets de hors champ. Si Hopper transfigure de la sorte les lieux standard ou ordinaires, c’est avec une ampleur de touches et un décuplement des dimensions que Benzaken érige en tableaux les quadrichro-mies des catalogues de fleurs, sa pratique tient de la mosaïque

 

 

Desgrandchamps, la stratégie du palimpseste 

 

Revenons à la remarque du critique Pierre Sterkx, citée plus haut[54]., disant de la peinture qu’elle est « la force diagrammatique capable de cartographier les strates de quarante mille ans d’art. Il y a quelque chose de carbonifère dans la peinture ». L’image géologique du Carbonifère et des strates s’avère fort pertinente au vu des œuvres peintes. Elle contribue à légitimer une autre image, celle du palimpseste[55]. Ses toiles nous confrontent à autant de passages d’une peinture diluée et maigre, qu’il y a de figures flottantes s’échelonnant ou se superposant dans un espace sans consistance : une évocation de terrain vaguement accidenté, désertique ou pali par le soleil. Si les figures parsemées dans la peinture classique servaient autrefois, par leur densité chromatique, à décupler la spatialité des paysages peints, elles échouent ici à les rendre crédibles. Telles des écrans transparents en forme de corps féminin, d’arbre ou de chaises renversées, ces présences font penser à des accessoires ou à des décors de théâtre, pour une pièce rejouant l’histoire de la peinture. Au point que nous revient en mémoire cette définition de la peinture par Nicolas Poussin, à savoir :

 

une imitation faite avec lignes et couleurs en quelque superficie de tout ce qui se voit dessous le soleil[56].

 

Par ailleurs, le laisser vivre de la fluidité de la peinture amène, sur le plan vertical de la toile,  des « dégoulinures » qui sont « la conséquence assumée de la dissolution des couleurs sur la verticalité du plan. Elles trompent là où elles tombent, dans l’aléatoire de l’écoulement. La matière utilisée est liquide, mince, pelliculaire, elle s’imprègne dans la trame de la toile. La surface reste lisse. Cette matière ténue est la condition d’une représentation fragilisée des figures saisies dans l’incertitude de leur transparence … présence et absence dans une même vision finitude et permanence mêlée. […] le médium conditionne le récit et vice versa. La forme est imbriquée dans le contenu et le contenu dans la forme sans qu’aucun ne prenne le dessus »

Isabelle Bertolotti, conservateur de musée, utilise trois notions pertinentes : récurrence, réminiscence, rémanence, au regard de la stratégie picturale de l’artiste. Il y a en effet, nous dit l’artiste, une indétermination des formes dans beaucoup de mes toiles. Je précise que l’indétermination n’est pas le flou. Le flou est une perception d’ensemble qui brouille la vision. L’indéterminé est de l’ordre de l’ellipse, de la brisure du manque. Il abîme ou casse la représentation… »[57]

L’historien de l’art Thierry Raspail note pour sa part que « La composition (surface, couleur, espace) domine au sens où elle est source et raison de l’équilibre de l’ensemble. Au XVIIe siècle, on aurait d’ailleurs parlé du « tout-ensemble » cher au regretté Rubens, conception pour laquelle chaque détail est avant tout au service d’une vision synthétique. » « On ne peut pas dissocier, répond Desgrandchamps,  la composition qui est l’occupation de la surface de la matière même de ces peintures qui est fluide et translucide. Les figures se présentent en verticalité, traits d’union entre deux ou trois horizontales […] ». Il faut maintenir une égalité de traitement sur toute la surface, que la toile soit perçue comme un bloc, un tout »[58].

Pour l’artiste, « un tableau doit poser des questions »

 

Nous pouvons dire aussi que peindre des corps équivaut à explorer le corps pictural. Ce qui voudrait dire que dans les démarches de création abordées ci-dessus, il s’agit de peintures qui pensent la peinture, et dans ce cadre-là peindre des images donnent la distance nécessaire au peindre pour se concentrer sur la picturalité comme sujet de la peinture et discours sur la peinture.

Voilà posé les matériaux, images, d’une part,  textes d’artistes et de critiques d’autre part, qui pourront donner lieu à une étude poïétique[59] plus approfondie sur le plan conceptuel.

/ à suivre

 

 

Musée imaginaire des nouvelles picturalités

 

Nous devons à André Malraux l’expression de « musée imaginaire » (1947). Homme de culture et d’art exceptionnel, il note alors que notre relation avec l’art « n’a cessé de s’intellectualiser » et fait référence à la photographie de reproduction des œuvres d’art, grâce à laquelle « nous disposons de plus d’œuvres significatives, pour suppléer aux défaillances de notre mémoire, que n’en pourrait contenir le plus grand musée». Selon lui, «un Musée Imaginaire s’est ouvert, qui va pousser à l’extrême l’incomplète confrontation imposée par les vrais musées : répondant à l’appel de ceux-ci, les arts plastiques ont inventé leur imprimerie ».[60]

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                                              

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Malcolm Morley, Age of Catastrophe, 1976, Huile/toile4&152.4 x 243.8 cm.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

David Salle, Landscape with two Nudes and three eyes, 1986.

 

 

 

 

  

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Carole Benzaken, Diana's Funeral 2, 1998, acryl/canvas 110x135 inches.

View of the exhibition "Diana's Funeral", CAPC Bordeaux 1999.

 

    

                                                                          

                                                                                  

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Carole Benzaken, Sulfur, 1995, acryl/canvas, 59 x 59 inches.

Gerhard Richter, Tulips,1995, huile/toile, 136x41cm.

 

     

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Gerhard Richer, Davos, 1981, 50 cm x 70 cm, Oil on canva.      

Gerhard Richter, “Betty”, 1988, huile sur toile, 102x72cm.

 

 

                               

     

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Marc Desgrangchamps, Sans titre (W-Aden), Huile/toile, 200x150 cm, 2002.                                                              

 

                                                                    

                     

 

 

 

 

 

[1] Il s’agit notamment de Gustave Le Gray (1820-1882), Charles Nègre (1820-1880), Roger Fenton (1819-1869).

 

[2] Propos extraits du discours d’Arago,  « Rapport à la Chambre des Députés, 3 juillet 1839 », in A. Rouillé, La Photographie en France (1816-1871), Paris, Macula, 1989, p. 39.

 

[3] Historien de l’art (1873-1937).

 

[4] E. Faure, « Agonie de la peinture », in revue L’amour de l’art, juin 1931, ici reprint du texte, Editions Rumeur des âges, La Rochelle, 2011, p. 22-23.

 

[5] Idem, p. 23-24.

 

[6] Musée d’art moderne de la Ville de Paris, 1981.

 

[7] E. Fischl, interview par B. Ferguson, in Art Press n° 191, p. 27.

 

[8] Galerie Daniel Templon, Paris, 23 avril-1er juin 1994.

 

[9] Au sens de « façon de peindre d’un peintre », comme l’entend N. Poussin, lettre à Chantelou, 11 juin 1641, in  Poussin, Lettres et propos sur l’art, Hermann, coll. Miroirs de l’art, Paris, 1964, p. 43.

 

[10] Cf. M. L. Bernadac, « Picasso au tamis de Lichtenstein : le style contre l’image », in Revue Artstudio n° 20, Printemps 1991, p. 74.

 

[11] Alors conservatrice au Musée Picasso à Paris.

 

[12] Cette expression renvoie au texte de R. Penrose relatant la présentation d’œuvres de Picasso, au Louvre, parmi les maîtres anciens, en présence de l’artiste fort inquiet de la confrontation. Il entreprendra plus tard une série de 15 variations sur Les Femmes d’Alger de Delacroix. In R. Penrose, Picasso, Flammarion, Paris, 1982, p. 466.

 

[13] Ce mouvement français trouve son nom à l’occasion de deux expositions à Paris, sous les plumes de  J.-L. Ferrier en 1961 et de Michel Ragon en 1962 – l’auteur de l'appellation.

 

[14] « La Nouvelle Figuration, une image de l’image », Revue Actualité des Arts plastiques n° 41 janvier 1978, volume 2, texte d’introduction, p. XII.

 

[15] Néologisme personnel à partir du mot « aplat », soit peinture passée uniformément.

 

[16] D. Gauthier, J. Kermarrec, F. Rouan, C. Viallat,

 

[17] 1985 : Vincent Corpet, Marc Desgrandchamps, Pierre Moignard, commissaire Fabrice Hergott, Maison de la culture et de la communication (MCC), Saint-Étienne (p. 52).

 

[18]  Télérama n° 2869, 5 janvier 2005, p. 58.

 

[19]  Ibid.

 

[20]  Marc Desgrandchamps, Flammarion, Paris, 2004, p. 33.

 

[21] Cf. Baudelaire, « Le public moderne et la photographie », in Ecrits esthétiques, Paris, Christian Bourgois éditeur, 10/18, 1986, p. 285.

 

[22] Eugène Fromentin, Les maîtres d’autrefois (1876, p. 193).

 

[23] Marcel Proust, Les Jeunes filles en fleurs (1918, p. 926).

 

[24] Francis Wey introduit cet adjectif dans ses Remarques sur la langue française (1845), t. 1, p. 409 à propos de « architectural ». Il écrit : « Ce petit adjectif est un cadeau des critiques artistiques, qui dissertent, dans les journaux, sur la plastique de l’arts comme sur l’esthétique, et disent un galbe, au lieu de dire, le contour d’un visage. Par malheur, architectural manque à la gloire du dictionnaire, aussi bien que sculptural et pictural. »

 

[25] L’auteur fait ici allusion à la Révolution française.

 

[26] Cf. Eve Lepaon est auteur d’une thèse d’Histoire de l’art (2008) et d’un article récent mettant en valeur l’apport de Francis Wey in Etudes photographiques n° 31, Printemps 2014, [En ligne], mis en ligne le 11 mars 2014. URL : http://etudesphotographiques.revues.org/3403. consulté le 20 avril 2015.

 

[27] Heinrich Wölfflin, Principes fondamentaux de l’histoire de l’art (1915), rééd. Gérard Montfort, Brionne, 1989.

 

[28] Denis Diderot, Salon de 1767, Paris, Hermann, 1995, pp. 173-174.

 

[29] E. Fromentin, Les maîtres d’autrefois, 1876, p. 193.

 

[30] In Journal, 1894, p. 652.

 

[31] La Recherche (…),1918, p. 926.

 

[32] Cf. Ch. S. Peirce Ecrits sur le signe, textes choisis, trad.française, Paris, Seuil, 1978 ; et aussi R. Barthes, « Rhétorique de l’image », in Communications, n°4, Paris, Seuil, 1964.

 

[33] Référence à Clement Greenberg, « le collage », in Art et Culture, Paris, Macula, Essais critiques, 1988, p. 85.

 

[34] Op. cit par Ann Hindry, « Conversation avec Roy Lichtenstein », in revue Artstudio, n° 20, printemps 1991, p. 21.

 

[35] Procédé permettant de reproduire à la même échelle ou à une échelle différente un modèle original peint ou dessiné. Pour "mettre au carreau", on trace des lignes verticales et horizontales, régulièrement espacées et se coupant à angle droit, sur toute la surface du modèle et on reproduit les divisions ainsi obtenues, ou carreaux, sur le support destiné à la copie, voir http://www.larousse.fr/encyclopedie/peinture/carreau.

 

[36] John Yau, Packett, n°3, 1984, pp. 6-10, op. cit. in Catalogue d’exposition L’époque, la mode, la morale, la passion, Paris, Centre Georges Pompidou – Musée national d’art moderne, 21 mai-17 août 1987, p. 282.

 

[37] Gerhard Richter,  « Notes 1964-65 », in Textes, Dijon, Les Presses du Réel, 1995, p. 18 et suiv.

 

[38] Ibid.

 

[39] Id.

 

[40] Id.

 

[41] Id.

 

[42] Id., p. 19

 

[43] Id., p. 28.

 

[44] C. Benzaken (née en 1965) est originaire de Grenoble, suit une formation aux Arts Appliqués Duperré, échoue aux Arts-Déco, puis rentre aux Beaux-Arts de Paris en 1985 (ateliers de Cueco et Kermarrec). Elle obtient en 1997 une bourse de l’AFAA pour un séjour de 4 mois à Los A., elle y restera 7 ans, y prendra contact avec la peinture d’Ed Rusha. Elle est représentée par la Galerie Nathalie Obadia à Paris dès 1993.

 

[45] Interview par Benjamin Roux, Paris,Vendredi 20 avril 2007. Mémoire de Master 2, Université de Bordeaux 3.

 

[46] Pour le critique du monde (mais aussi enseignant en Histoire de l’art à l’Université de Poitiers) Philippe Dagen.

 

[47] Bernard Marcadé, entretien avec Carole Benzaken, in Catalogue de l’exposition éponyme, Carole Benzaken, livre n°6 ; espace trois-cent-quinze 315 prix Marcel Duchamp 2004, Éditions du Centre Pompidou., Paris 2004.

 

[48] Marc Desgrandchamps, Flammarion, Paris, 2004.

 

[49] Ibid.

 

[50] Op. cit, p. 11.

 

[51] Id., p. 19.

 

[52] Entendons ici ce substantif comme ce qui est relatif à la photographie, mais aussi ce que R. Krauss entend, à savoir : « un objet théorique ». En ce sens, un tableau de Richter pense la photographie. Cf. R. Krauss, Le photographique. Pour une théorie des écarts, Paris, Macula, 1991, p. 12.

 

[53] Revue Art Press n° 229, p. 55.

 

[54] Marc Desgrandchamps, Flammarion, Paris, 2004.

 

[55] Palimpseste : Manuscrit sur parchemin d'auteurs anciens que les copistes du Moyen Âge ont effacé pour le recouvrir d'un second texte ; Œuvre dont l'état présent peut laisser supposer et apparaître des traces de versions antérieures.

 

[56] N. Poussin, « Lettre à M. de Chambray le 1er mars 1665 », in Nicolas Poussin, Lettres et propos sur l’art, Paris, Hermann, 1964, p. 163.

 

[57] Isabelle Bertolotti, Valérie Charrier, Benoît Decron, Fabrice Hergott, Thierry Raspail, Pierre Sterckx, Érik Verhagen, Paris, Flammarion.

 

[58] Ibid.

 

[59] La poïétique (Paul Valéry) a pour objet tout ce qui, en amont de l’œuvre, est parvenu à lui donner existence. “C’est, selon Pommier, successeur de Valéry au Collège de France, tout ce qui a trait à la création d’ouvrages dont le langage est à la fois la substance et le moyen. Cela comprend, d’une part l’étude et l’invention de la composition, le rôle du hasard, celui de la réflexion, de l’imitation ; celui de la culture et du milieu ; d’autre part l’examen et l’analyse des techniques, procédés, instruments, matériaux, moyens et supports d’action”.

 

[60] A. Malraux, Le Musée imaginaire (1947), rééd. Paris, Idées Arts Gallimard, 1965, pp. 11-12.

bottom of page